Nous avons parlé dans un article précédent d’une distorsion cognitive, la personnalisation, qui consiste à prendre sur soi la responsabilité d’une chose dont on n’est pas responsable*.
Il existe d’autres types de distorsions cognitives qui peuvent perturber les survivantes d’agressions sexuelles de diverses manières, selon leurs séquelles (toxicomanie, troubles alimentaires, état de stress post-traumatique, etc.). Toutes ces distorsions, particulièrement alliées à l’état de dépression dont souffrent souvent les survivantes, peuvent empêcher celles-ci de penser qu’elles sont des personnes de valeur.
Connaître et comprendre les distorsions cognitives peut contribuer au processus de guérison : on peut en venir à reconnaître ses habitudes de pensée et à voir si elles reflètent bien la réalité. En effet, les distorsions cognitives déforment la vérité et nuisent ainsi au rétablissement. Il ne s’agit pas ici de dire à la survivante qu’elle est responsable de son mal-être, mais de lui donner des outils pour mieux se comprendre et aller de l’avant.
Dans cette optique, nous vous présentons les sept autres types de distorsions cognitives.
Les pensées « Tout ou rien » : Tout est noir ou blanc, sans nuance.
Ces pensées surviennent quand une personne cherche à aller mieux ou à adopter des résolutions, mais se dit que c’est le moment ou jamais et que si ça ne fonctionne pas cette fois-ci, ça ne fonctionnera jamais. C’est le cas d’une personne qui voudrait arrêter de fumer et se dit : « Je vais essayer d’arrêter, si ça ne fonctionne pas, je vais juste continuer à fumer pour toujours. » C’est aussi le cas de quelqu’un qui déciderait d’entamer une psychothérapie et se dit qu’il laissera cette option de côté si des changements majeurs ne se voient pas rapidement. Or, les changements majeurs dans la vie d’une personne prennent du temps, et on a parfois plus de succès en les entreprenant à un moment de sa vie plutôt qu’à un autre. Il ne faut pas abandonner pour toujours sous prétexte que maintenant, ça ne marche pas.
La généralisation excessive : Les choses seront toujours pareilles, rien ne changera jamais.
Pourtant, bien entendu, il est possible de ne pas réussir quelque chose du premier coup et de ne pas tout réussir. Cependant, manquer son coup ne veut pas dire qu’il ne faut plus rien tenter. De même, un échec ne signifie pas qu’on aura que des échecs. Parce qu’on apprend de nos erreurs, les échecs d’hier sont la fondation des réussites de demain!
La dramatisation : La situation est sans espoir.
On peut parler de dramatisation, par exemple, quand une personne ne prend pas soin d’elle-même parce qu’elle se dit que de toute manière, personne ne voudra plus d’elle. On dramatiste et on accentue les caractéristiques de la situation telle qu’on la perçoit. Pourtant, comme si précédemment, celle-ci n’est pas nécessairement réelle.
La lecture de pensées : Tout le monde est contre moi.
La lecture de pensés, c’est quand une personne prétend savoir ce que les autres pensent ou est certaine que quelqu’un ne l’aime pas sans raison. Cette impression peut survenir par exemple quand l’autre ne lui répond pas assez rapidement sur les réseaux sociaux, ce qui génère de l’anxiété. Certaines personnes peuvent se créer des histoires dans ces moments-là et penser que les autres ne veulent plus leur parler ou qu’elles ont fait quelque chose qu’elles n’auraient pas dû faire.
La prémonition : L’avenir est sombre.
Il s’agit d’anticiper que l’avenir sera négatif, de baisser les bras avant même d’avoir essayé, car on prédit que le résultat de nos efforts n’en vaudra pas la peine de toute façon. Ironiquement, l’échec peut se produire par cette résignation qui nous empêche d’essayer.
L’étiquetage : Je suis une bonne à rien.
L’étiquetage, c’est généraliser ses erreurs comme étant représentatives de sa vie et se dénigrer au lieu de se décrire de manière réaliste. Tous les humains font des erreurs, mais une personne ne se résume pas à celles-ci. Si on se critique durement après une faute, on se prive de l’occasion de la corriger. Ce serait le cas pour une personne qui voudrait cesser une dépendance, mais qui croirait que ce problème qu’est la dépendance fait partie de son identité.
L’obligation de performance : Demain, je suis obligée d’aller mieux!
Il s’agit en fait de la perception d’une obligation, souvent utilisée pour nous motiver nous-mêmes. Par contre, elle peut entraîner de la culpabilité chez nous si on ne réussit pas à remplir cette obligation imaginaire. Elle peut aussi consister à attribuer aux autres des obligations, ce qui crée des sentiments de frustrations. Si on se dit « Demain, je suis obligée d’aller mieux ! » et qu’on ne va pas mieux, on peut culpabiliser et se sentir mal par rapport à soi-même.
Ces erreurs de pensées nous aident à nous convaincre que nous ne valons pas la peine de faire des efforts pour nous-mêmes, que peu importe ce que nous ferons, nous ne changerons jamais. Nous nous encourageons alors nous-mêmes à être malheureuses, à nous isoler des autres, à ne jamais demander d’aide. Reconnaître nos distorsions cognitives est un pas dans la direction de la guérison car, de cette manière, on peut combattre les effets les plus négatifs des agressions (l’autodénigrement, la culpabilité, la victimisation, la susceptibilité, le manque de motivation et la rancune) et se bâtir une belle vie.
* L'article original a été retiré de notre page et publié dans le HuffPost. Lien vers l'article : https://quebec.huffingtonpost.ca/entry/ma-faute-honte-doit-changer-camp_qc_6009d96cc5b6ffcab96c0c1b